Guide de fonctionnement des statuts de travail

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  1. L’intermittence du spectacle
    1. Définition
    2. La Convention collective
    3. Travailler pour ou depuis l’étranger
    4. Les abus courants
  2. Le micro-entreprenariat (dit·e freelance)
    1. Définition
    2. Comment créer une micro-entreprise ?
    3. Comment déclarer ses revenus ?
    4. Rapports aux entreprises
  3. Avantages et inconvénients des deux statuts
  4. Cumul des statuts
  5. Au-delà du CDDU et de la micro-entreprise

L’intermittence du spectacle

Définition

En France, un·e intermittent·e du spectacle est un·e artiste ou technicien·ne professionnel·le qui travaille pour des entreprises du domaine du spectacle vivant ou enregistré. Comme tous les autres salarié·es, iel dépend du régime général de l’assurance chômage, mais ses conditions d’indemnisations sont régies par les annexes 8 et 10. Ce système de solidarité interprofessionnelle permet de toucher des indemnités les jours non travaillés et de pallier le caractère discontinu de ces professions. Iel est engagé·e en Contrat à Durée Déterminée dit d’Usage (CDDU).

Pour être intermittent·e du spectacle, Il faut que la fonction (le poste exercé dans l’entreprise) relève d’une des Conventions Collectives du domaine du spectacle (dans le cas de l’animation, son code d’identification (IDCC) est 2412). Pour ouvrir ses droits à l’allocation chômage des intermittent·es du spectacles, il faut cumuler une durée minimum d’activités de 507h sur 12 mois.

Nous vous invitons à lire le guide de survie de l’intermittence écrit et dessiné par Antoine David pour tout ce qui concerne l’inscription à Pôle Emploi en tant qu’intermittent·e du spectacle, l’actualisation, l’allocation, la médecine du travail et les congés spectacles.

La Convention collective

La Convention collective de la production de films d’animation est un texte qui fixe les règles que doivent appliquer les entreprises de notre secteur (salaires minima, conditions de travail, recours au CDDU, etc). Il est directement issu des négociations (en CPPNI : Commission Paritaire Permanente de Négociation et d’Interprétation) entre les syndicats représentatifs et les organisations patronales. Outre la Convention collective, nos droits sont régis par d’autres textes tels que le Code du travail ou les accords d’entreprises.

La Convention collective est disponible en ligne sur Légifrance, ainsi que sur le site des Intervalles.

Travailler pour ou depuis l’étranger

Lorsqu’on travaille pour l’étranger, ce n’est pas sous CDDU ou via l’intermittence du spectacle qui sont un type de contrat et de régime d’assurance chômage français. Il faut donc d’abord geler ses droits lors de son actualisation en déclarant ne plus être à la recherche d’un emploi (si il n’y a pas d’emploi intermittent en parallèle). Sauf si vous êtes rémunéré·e en droits d’auteur, il vous faudra toujours déclarer les attestations employeurs étrangères. Les heures déjà cumulées ne sont pas perdues mais conservées sur 3 ans et pourront servir lors de futur recalcul.

Pour les ressortissants de l’Espace économique européen et de l’Union européenne, le salarié ne doit fournir aucune autorisation particulière” (libre circulation des travailleureuses en UE). En dehors de l’UE, il faut soit une autorisation provisoire de travail, soit un titre de séjour en cours de validité autorisant à travailler. Certains visas peuvent compter pour un mix de vacances et de travail, on les appelle les PVT. Ils peuvent cependant être restrictifs par l’âge et les ressources financières demandées. Certains pays demandent également d’importantes vérifications administratives, notamment sur le casier judiciaire.

L’autorisation provisoire de travail est destinée aux personnes qui exercent, chez un employeur déterminé, une activité dont la durée initialement prévue n’excède pas un an. Elle est cependant renouvelable. Il existe également, dans le cadre d’activités artistiques dont font partie la plupart des postes en animation, une carte de séjour temporaire mention artistique et culturelle, d’une durée maximale d’un an renouvelable à partir d’un contrat de minimum trois mois.

Un employeur peut embaucher une personne sous CDDU (intermittence du spectacle) même si celle-ci le réalise à l’étranger, dans les conditions suivantes :

  • Soit lae salarié·e est déclaré·e en France (son adresse d’imposition est française), souvent lorsqu’iel habite à l’étranger sur une période courte (18 mois max).
  • Soit lae salarié·e devra cotiser au régime social local (mais les employeurs apprécient moyennement, d’où la solution proposée au dessus).
  • Soit lae salarié·e se trouve en situation de détachement et peut donc continuer à cotiser au régime français de Sécurité sociale sans avoir à cotiser dans le pays d’accueil. Mais cela n’est possible que dans les cas suivants :
    • C’est l’employeur qui doit envoyer lae salarié·e à l’étranger, donc les salarié·es y habitant au préalable ne sont pas compris·es dans cette situation.
    • L’employeur doit y exercer une activité économique significative autre que des activités de simple gestion administrative.
    • Lae salarié·e doit avoir été soumis·e à la législation de la Sécurité Sociale française depuis au moins un mois au préalable (quelle que soit sa nationalité).
    • Le détachement ne peut excéder 24 mois consécutifs.
    • L’employeur doit se procurer auprès de la CPAM un formulaire “maintien au régime français de sécurité sociale d’un travailleur salarié détaché hors du territoire français”, et en délivrer un exemple à la / au salarié·e.
    • Le détachement doit se dérouler dans un pays ayant signé une convention de Sécurité sociale avec la France. Cela concerne l’Algérie, l’Andorre, le Bénin, la Bosnie-Herzégovine, le Cameroun, le Canada, le Cap-Vert, le Chili, le Congo, la Corée, la Côté d’Ivoire, la Croatie, les Etats-unis, le Gabon, Guernesey, Aurigny, Jethou, l’Inde, Israël, le Japon, Jersey, la Macédoine, Madagascar, le Mali, le Maroc, la Mauritanie, Mayotte, Monaco, le Monténégro, le Niger, la Nouvelle-Calédonie, les Philippines, la Polynésie française, la Québec, Saint-Martin, Saint-Pierre et Miquelon, le Sénégal, la Serbie, le Togo, la Tunisie et la Turquie.

Les abus courants

Dans le film d’animation, les abus sont courants et banalisés, dans le sens où on les retrouve un peu partout, sans qu’ils ne soient remis en question. Lutter contre ces derniers permet non seulement au coût réel de notre travail d’être reconnu, mais participe également à améliorer nos conditions de travail générales, au-delà même de la question des salaires. Nous en avions déjà listé un certain nombre dans notre bingo des abus illégaux et dans notre baromètre des travailleureuses du film d’animation.

On vous détaille ici les principaux :

  • HEURES SUPPLÉMENTAIRES NON RÉMUNÉRÉES

Les heures supplémentaires sont une proposition exceptionnelle (donc pas récurrente) qui doit être faite par l’employeur, et que lae salarié·e peut refuser. Elles ne peuvent pas être à l’initiative de ce·tte dernier·e, et doivent surtout être déclarées, d’autant qu’elles sont majorées par rapport à vos heures initiales (35h hebdomadaires).

Pour éviter de payer la majoration des heures supplémentaires, l’employeur ajoute parfois des jours travaillés au contrat, en adaptant celui-ci en fin de mission, ce qui est illégal. Nous rappelons qu’il est par ailleurs illégal de travailler plus de 6 jours d’affilée sans bénéficier d’une journée complète de repos. De même, vous devez compter 11h entre la fin d’une journée et le démarrage de la suivante.

De la même manière, tous les jours travaillés doivent être déclarés et payés, même s’ils dépassent la durée de mission initiale, sinon il s’agit de travail dissimulé. Un avenant au contrat peut être fait pour les jours supplémentaires.

Même pour l’amour du métier, même sous la pression (chantage au métier passion, à l’effort collectif etc.), ne faîtes pas d’heures supplémentaires sans avoir l’assurance qu’elles vous seront payées, que ce soit en semaine ou le weekend. Cela participe au dumping social de nos professions.

  • ARNAQUE À PÔLE EMPLOI

Pôle Emploi ne doit pas rémunérer un travail à la place de l’employeur. Ce dernier ne peut pas vous faire travailler sur des jours indemnisés par votre allocation chômage. C’est une « arnaque à Pôle Emploi ».

  • FONCTION FAUSSE ET/OU DÉBORDÉE

Il faut bien lire son contrat pour s’assurer que la fonction écrite est celle qui sera réellement tenue, notamment entre un emploi et sa version “assistante” que l’employeur peut essayer d’utiliser pour les salarié·es juniors. Les postes d’assistant·es n’assistent en réalité souvent pas grand monde et correspondent en majeure partie à des emplois similaires à ceux qu’ils sont censés assister, mais moins bien payés et destinés aux juniors.

Vérifier sa fonction, son degré de responsabilité et demander à ce que soient explicitement listées les tâches qui incombent à votre poste. Cela permet de repérer le cumul des tâches et des postes.

  • CONTRAT AU FORFAIT

Les contrats dits “au forfait” (pour les storyboarders) en CDDU sont un détournement d’un dispositif réellement existant. Dans le cas d’un CDDU, un employeur doit vous payer tous les jours travaillés, même si la mission dépasse le temps initialement prévu, comme pour n’importe quel autre poste. Le contrat au forfait existe mais ne s’applique pas dans le cas du storyboard. La clarification et la précision existent dans la Convention collective suite à une lutte syndicale dédiée.

  • EMPLOI DÉGUISÉ EN STAGE

Attention aux emplois déguisés en stage : une entreprise doit fournir un·e tuteurice au stagiaire et ne pas lui demander de quotas ou de rendement spécifique. De manière générale, lorsqu’un studio de production recherche “urgemment” un stage, et demande autonomie, prise d’initiative, compétences spécifiques et force de proposition, ce sont des alertes absolues. Prévenez a minima votre école de l’abus potentiel et demandez-leur conseil sur comment s’assurer de la qualité et de la réalité du stage.

  • SE VOIR IMPOSER UN·E OU DES STAGIAIRES

Votre employeur ne peut pas vous imposer un·e ou plusieurs stagiaires, il peut uniquement vous en faire la proposition. Vous ne pouvez pas gérer plus de trois stagiaires simultanément et un·e stagiaire ne peut pas gérer d’autres stagiaires. Pour cet abus et le précédent, on vous renvoie au guide dédié aux stages produit par l’association.

  • JOURS FÉRIÉS CHÔMÉS IGNORÉS

La Convention collective compte 5 jours fériés chômés aux salarié·es, c’est à dire obligatoirement payés par l’employeur s’ils entrent dans la durée d’un contrat : le 1er janvier, le 1er mai, le 14 juillet, 1er novembre et le 25 décembre. Il est en parallèle illégal d’arrêter un contrat juste avant un jour férié et de le faire reprendre juste après. Chaque entreprise peut accorder des jours fériés chômés supplémentaires (en général les 6 manquants pour s’aligner sur ceux du Code du travail).

  • FRAIS NON-REMBOURSÉS

Exigez le remboursement obligatoire et partiel (minimum 50%) de votre titre de transport par votre employeur. Les Tickets restaurants ne sont pas obligatoires, mais quand ils existent, doivent être équivalents pour tous les salarié·es et stagiaires. L’employeur doit cependant, à partir de 25 salarié·es, mettre à disposition un véritable local de restauration, avec des installations pour conserver, réfrigérer et réchauffer les aliments.

  • EMBAUCHE ANTIDATÉE ET/OU REPOUSSÉE

L’employeur doit transmettre le contrat de son employé·e dans les 48h suivant le début du contrat. Sinon ce dernier peut être requalifié en CDI (ce qui est toutefois rarement fait). Repousser une date de démarrage de contrat après avoir préalablement validé à l’écrit (mail, sms, contrat) une date antérieure est illégal. La trace écrite sert de promesse d’embauche.

  • CHÔMAGE TECHNIQUE

Lorsque vous êtes sous contrat mais que votre employeur vous annonce qu’il n’y a plus de travail à effectuer pendant un ou plusieurs jours (parce que retard de livraison ou autres) : ce n’est pas de votre ressort et votre employeur vous doit malgré tout votre salaire si vous vous présentez au travail. Votre employeur pourra vous encourager à ne pas venir (mais il ne peut pas vous empêcher de venir travailler) mais cela sera alors comptabilisé comme une absence. Ce n’est pas à Pôle Emploi, et donc à votre allocation chômage, de prendre le relai suite à une erreur et un imprévu de planning de votre employeur.

À moins de signer un avenant qui met fin à votre contrat (attention en ce cas d’avoir une preuve écrite qui précise la date de retour au studio), si votre contrat est à temps plein, c’est sa date de fin initiale qui fait foi.

  • SE VOIR PROPOSER UNE EMBAUCHE FREELANCE AU LIEU DE CDDU

Si le poste existe dans la Convention collective du film d’animation, une entreprise française ne peut pas vous proposer une embauche en tant qu’indépendant·e sur une production, sauf au développement, mais ni en pré-prod, ni prod ni post-prod. C’est considéré comme un détournement de cotisations patronales. La seule embauche freelance possible par une entreprise française est celle d’une personne ne résidant pas fiscalement en France et ne pouvant donc être embauchée avec un CDDU ou CDI.

  • ABSENCE DE RÉACTION FACE À DES VHMSS

L’employeur est responsable de la sécurité de ses employé·es et stagiaires. Il doit a minima mettre en place des mesures préventives, et en cas de dénonciation de Violences et Harcèlement Moral, Sexiste ou Sexuel (VHMSS), mener une enquête interne pour protéger ses équipes.

Si vous observez l’un de ces abus en entreprise, contactez l’un des syndicats représentatifs du film d’animation, et/ou, si existant, le CSE et lae représentant·e syndical·e de l’entreprise. Ils sauront vous aiguiller pour que vous ne soyez pas lésé·e.

Le micro-entreprenariat (dit·e freelance)

Définition

Dans le secteur de la production de films d’animation, le statut d’indépendant est moins souvent utilisé que celui d’intermittent du spectacle, car les studios peuvent récupérer des aides à la production en embauchant localement les artistes-technicien·nes en Contrat à Durée Déterminée dit d’Usage (CDDU) et parce que si le poste existe dans la Convention Collective du Film d’Animation, il est illégal, sauf exceptions, d’embaucher une personne en indépendant, cela étant considéré comme un détournement de cotisations patronales.

Il existe cependant des productions et des studios, notamment étrangers, ou des personnes commandant des commissions, qui embauchent des personnes en indépendant. Les secteurs connexes, comme le motion design, la bande-dessinée ou le jeu vidéo, sont davantage concernés par ce statut, en tant qu’artistes-auteurices ou qu’auto-entrepreneureuses.

Nous aborderons les artistes-auteurices dans un guide dédié, ces dernier·es dépendant uniquement du droit d’auteur et ne s’appliquant qu’à la législation française. Vous pouvez en attendant vous rapportez aux tutos disponibles sur le site de l’URSSAF.

Comment créer une micro-entreprise ?

Dans le cas de la création d’un statut d’auto-entrepreneur, en réalité micro-entrepreneur, il faut d’abord créer son entreprise sur la plateforme INPI, l’Institut National de la Propriété Intellectuelle. Cela permet d’avoir un numéro SIRET pour ensuite ouvrir un compte URSSAF Limousin pour la gestion de ses taxes et droits. C’est ensuite un courrier de l’INSEE qui valide la création du statut.

En créant son entreprise individuelle (EI) sur l’INPI, dans le cas du film d’animation et de nombreuses autres activités d’arts appliqués adjacentes (illustration, création de goodies, fanzines etc.), il n’existe pas de catégorie spécifique à nos métiers. Lorsque la catégorisation nous est demandée, mieux vaut rester vague pour y inclure plusieurs types de services. On choisit, dans la liste disponible, activité de services, puis art culture et divertissement, et activités créatives, artistiques et de spectacle, création artistique, audiovisuelle, cinématographique etc. Il faut également préciser si l’activité est ou non principale, cela influe sur les taxes a posteriori. Attention, il peut y avoir des frais demandés à la création du compte. Il vous sera également demandé si vous avez le statut ambulant : à moins que votre activité principale inclue principalement des conventions et festivals, vous n’êtes pas concerné·e.

Il n’est pas nécessaire d’avoir un compte bancaire et une adresse professionnelle spécifique pour exercer une activité en micro-entreprenariat.

Préciser le régime micro social, si on préfère un versement mensuel ou trimestriel. Il faut faire des déclarations mensuelles ou trimestrielles à L’URSSAF et à Pôle Emploi lorsqu’on est micro-entrepreneureuse, et il faut choisir le versement correspondant à l’INPI. Le BNC (Bénéfices Non Commerciaux) est un régime fiscal qui facilite les démarches, qui convient jusqu’à un certain plafond de recettes. C’est le régime le plus intéressant quand on commence son activité. Il existe également le BIC (bénéfices industriels et commerciaux) mais il implique de calculer son chiffre d’affaires brut et non ses recettes.

ASTUCE : Pour avoir une aide comptable et toucher les mêmes droits qu’un·e salarié·e, l’indépendant·e peut rejoindre une “société de portage salarial”. Moyennant un pourcentage de son chiffre d’affaires, la société lae déclare en tant que salarié·e, tout en lui laissant ses avantages d’indépendant·e. Nous en parlerons plus en détail dans un prochain guide.

Comment déclarer ses revenus ?

Comme pour l’impôt sur le revenu, une déclaration annuelle est à faire pour déterminer les taxes de l’année à venir. Le régime déclaratif correspond au mode de fonctionnement de l’entreprise vis-à-vis des impôts. On distingue le régime micro-fiscal, simplifié et réservé aux EI, qui dispense de tenir une comptabilité complète et de calculer les frais réels. Le bénéfice imposable est directement calculé par les impôts, mais ce régime est conditionné par un plafond de chiffre d’affaires (77 700e annuels en 2025) au-dessus duquel on passe au régime de déclaration contrôlée qui correspond à celui classique des entreprises. Ce dernier implique une obligation de tenir une comptabilité exacte des recettes et charges de l’activité pour les déclarer de manière détaillée.

Rapports aux entreprises

La relation de travail de l’indépendant·e est très différente de celle du ou de la salarié·e. C’est une relation de prestataire / commanditaire plutôt qu’une relation employé·e / employeur, qui se matérialise par une facturation et parfois un contrat d’auteur·ice, alors qu’un·e salarié·e a un contrat de travail. L’indépendant·e ne peut être obligé·e de travailler dans les locaux de son client, de respecter des horaires et d’utiliser les outils de travail de ce dernier. Si ces prérequis ne sont pas respectés dans le cas d’une entreprise française, il s’agit de salariat déguisé, qui doit être requalifié en contrat de travail.

L’indépendant·e peut travailler avec plusieurs commanditaires en même temps, là où l’intermittent·e peut seulement alterner les employeurs. Iel est également libre et responsable de ses prix, et de déterminer ainsi la valeur de son travail en prenant en compte la difficulté et la rapidité de livraison demandées par la ou le commanditaire. Pour déterminer sa tarification, on peut prendre la moyenne de l’intermittence additionnée de 25% à 40% de charges et évoluer comme en intermittence, en augmentant progressivement.

L’indépendant·e n’a pas de Droit du travail ou de Convention collective pour encadrer légalement ses conditions de travail et ses rapports à l’entreprise. Les seuls documents obligeant votre client sont le Code du commerce, le devis et la facture, qui précisent les tâches effectuées, leur durée et coût, ainsi que de potentielles notes de frais. Ces documents doivent aussi expliciter la gestion du paiement du service : entièrement ou partiellement au démarrage et/ou à la livraison, voire validation des tâches, ou selon un calendrier précis. L’abus le plus courant correspond en réalité à un retard de paiement du client, ou à des négociations du montant à payer après validation du devis.

Attention de bien préciser sur celui-ci l’ensemble des tâches que vous prévoyez d’effectuer et de les facturer en conséquence. Les indépendant·es ont fréquemment des missions plus multi-tâches que celles des salarié·es intermittent·es du spectacle, il faut donc bien mesurer la quantité de travail attendu, sa qualité et les éléments qui sont mis à votre disposition pour sa réalisation.

On peut être payé·e à la semaine, voire à la journée, comme les intermittent·es, ou à la tâche (ou à la frame, comme au Japon). Mais pour ce dernier choix, le calcul du devis peut être plus compliqué, et le paiement peut arriver plus tardivement. L’autre avantage du paiement à la journée, c’est que si des imprévus s’ajoutent, on peut facturer des jours de travail supplémentaires.

Si vous êtes artiste-auteurice, et non micro-entrepreneureuse, vous ne facturez pas un travail mais des droits d’auteur. À partir du moment où il y a création originale, il y a droit d’auteur. Ces derniers, notamment ceux des auteurices graphiques lors du développement d’un projet, sont parfois ignorés par la production par différentes méthodes. Veillez à les faire reconnaître.

Avantages et inconvénients des deux statuts

INTERMITTENCE DU SPECTACLEMICRO-ENTREPRENARIAT
Prospection constante pour les postes, surtout quand on est junior. Réseau professionnel à développer et entretenir.Prospection constante des nouvelleaux client·es et projets à la charge de l’indépendant·e.
Matériel informatique, logiciels, électricité, chauffage, internet et bureau fournis par l’employeur au sein du studio. Même en cas de télétravail, l’employeur doit participer à ces frais ou fournir le matériel.Achat de matériel, de logiciels, d’électricité, de chauffage, de connexion internet et bureau à la charge de l’indépendant·e.
Participation significative à la solidarité interprofessionnelle, donc droit à une protection sociale : droit à l’assurance chômage, aux congés spectacles, à l’assurance retraite, aux arrêts maladies, aux congés parentaux, à une mutuelle aidée par l’employeur.Participation réduite à la solidarité interprofessionnelle, donc une protection sociale moindre qu’un·e salarié·e : aucun droit à l’assurance chômage, aucun droit aux congés payés, droits réduits à l’assurance retraite, mutuelle à sa propre charge, pas d’arrêts maladie ni congé parentaux.
5 jours fériés chômés annuels garantis (dans le cadre d’un contrat), même si on devrait en avoir 11 selon le Code du travail. Pas de travail le dimanche non-majoré.Pas de jours fériés chômés.
Heures supplémentaires payées avec une majoration par rapport au salaire initial.Aucune majoration des heures supplémentaires puisqu’on est payé·e à la tâche et pas à l’heure.
Pas d’établissement de devis et de factures, et donc pas de déclarations sociale et fiscale à faire. Pas de gestion administrative à prévoir.Établissement de devis et factures à la charge de l’indépendant·e, ainsi que de sa comptabilité, déclarations sociale et fiscale.
Temps de travail hebdomadaire limité (48h max) sauf dérogation de l’Inspection du travail.Pas d’encadrement de la durée de travail hebdomadaire, ce qui amène un risque accru pour la santé (surmenage).
Moindre risque d’isolement professionnel.Risque accru d’isolement professionnel (à moins de travailler en atelier partagé).
Protection par la Convention Collective, notamment sur les salaires minimas et les conditions spécifiques de travail de la branche.Pas de protection par la Convention collective, notamment sur les salaires minima, puisqu’elle ne concerne que les employé·es salarié·es des entreprises.
Protection par la médecine du travail.Aucune protection médicale professionnelle.
Flexibilité de l’emploi, qui permet de sauter d’un studio à l’autre selon nos envies, mais également un inconvénient parce que ça nous rend “expendables”. Cela dépend du type de production sur laquelle on travaille.Plus de choix dans les types de projets et les commanditaires, au-delà des studios français, voire au-delà du film d’animation.
Payé·e à la journée donc si on ne parvient pas à finir ses tâches du jour, la faute n’est pas forcément imputable à l’employé·e et le salaire non impacté.Payé·e à la tâche.
Présence de syndicats pour soutenir la légalité du travail, les salaires et les conditions de travail des salarié·es et améliorer ces dernier·es.PAS de syndicats pour soutenir la légalité du travail, les salaires et défendre vos conditions de travail.
Souplesse des horaires et des jours d’absence par rapport aux emplois au régime général, mais des horaires malgré tout contraints (en général de 9h-10h jusqu’à 18h-19h).Des horaires et une gestion libre de son temps.
Possible obligation de travail en présentiel qui force soit à réduire son champ de recherche d’emploi soit à déménager fréquemment.Travail à distance (à domicile ou en atelier partagé) donc accessibilité à différents projets au-delà de la zone géographique du lieu d’habitation.
Relation de subordination hiérarchique.Pas de relation de subordination hiérarchique, même si lae client·e a le dernier mot sur les projets.
“Flexibilité” facilitée (par des avenants qui raccourcissent la date de fin de contrat qu’il peut être difficile de refuser).L’équivalent salarial brut est plus élevé mais on doit compter avec les cotisations URSSAF à payer.
Contrats plus ou moins courts (de quelques semaines à quelques mois), qui obligent à être toujours un peu aux aguets des postes de recrutement.Contrats également plus ou moins courts, selon le devis validé avec le client, qui obligent également le plus souvent à démarcher de nouveaux clients.
S’actualiser tous les mois auprès de Pôle Emploi et de suivre sa situation auprès de ce dernier, notamment pour la date anniversaire et le renouvellement des droits.Suivi des versements et des calendriers de paiements.
Des salaires moins élevés qu’en indépendant·e mais qui comprennent les prestations sociales et qui ont des minimums légaux.L’équivalent salarial brut est plus élevé mais on doit compter avec les cotisations URSSAF à payer.
Sécurité informatique : chaque entreprise à sa propre politique (ou pas) quant sur les accès à distance, les mails pros, les échanges de fichiers, les plateformes utilisées etc.Si l’indépendant·e ne rentre pas dans les clous au niveau sécurité informatique, certaines entreprises, notamment les grands groupes, peuvent leur refuser une mission.

Cumul des statuts

Si vous êtes en même temps indépendant·e et salarié·e, il faut déclarer vos revenus d’indépendant·e à Pôle Emploi lors de l’actualisation en scannant les factures et leur transmettant, sauf pour les droits d’auteur (artiste-auteurice). Les “revenus” d’artistes-auteurices peuvent eux être cumulés avec les indemnités chômage sans aucune déduction..

Cumuler intermittence du spectacle et micro-entreprenariat, avec ou sans droits d’auteur, est possible, avec une première année dite période probatoire, sans rien toucher de l’URSSAF Limousin. Il y a donc intérêt à favoriser durant cette période une activité intermittente. On doit alors prouver que l’activité indépendante génère assez de profits pour nécessiter une couverture sociale.

Pour plus de détails, nous vous invitons à lire le chapitre dédié du Guide de survie de l’intermittence.

Au-delà du CDDU et de la micro-entreprise

Le CDDU est un type de contrat, l’intermittence du spectacle un régime d’assurance chômage, mais ils ne sont pas pour autant intrinsèques à nos métiers. L’intermittence du spectacle a été créée à l’origine pour les technicien·nes du cinéma et de l’audiovisuel, qui sont bien différents des postes de l’animation et du VFX. Et si la micro-entreprise est encadrée pour éviter que les employeurs français n’en abusent, le CDDU ne leur est pas moins profitable : plus facile de mettre fin à nos contrats, moins d’avantages sociaux pour les salarié·es, une précarité, mobilité et flexibilité qui rend notre mobilisation plus difficile etc.

Même si ce régime nous permet plus de sécurité que la micro-entreprise, nos contrats restent précaires et instables en comparaison à des CDI. Il ne serait pourtant pas impossible d’embaucher une partie des artistes-technicien·nes en CDI, notamment dans les studios où l’on retrouve déjà beaucoup de “permittent·es”, qui enchaînent les productions pour le même employeur. On pourrait même aller au-delà, et refondre le fonctionnement du film d’animation, de manière à ce que les producteurs puissent enchaîner les projets avec plus de sécurité financière et garder des équipes internes en CDI.

Mais pour travailler à d’aussi profonds changements du secteur, encore faut-il avoir un poids suffisant. D’où l’importance de se renseigner sur ses droits, de se syndiquer et de partager avec ses collègues les informations sur nos droits du travail, salaires et conditions de travail.