Une nouvelle plateforme de recrutement, appelée AnimConnect, dédiée aux étudiant·e·s et jeunes diplômé·e·s d’écoles d’animation, a poppé tel un pokemon rare sur ma TL Linkedin! Mais qu’est ce donc que ce nouveau venu ?
L’origine de l’initiative découle, selon le Film Français et Écran Total, des difficultés à trouver un stage depuis le début de la crise du COVID, dont il avait été question lors des Rencontres Animation Formation de 2020. Le sujet avait depuis également été abordé durant le Festival d’Annecy 2021 au cours d’une conférence donnée par le RECA. La plateforme sera présentée aux étudiant·e·s lors de la journée du RECA le 10 décembre 2021. Peut-être en apprendra-t-on plus à ce moment-là, ainsi que lors de la retransmission youtube de la présentation de la plateforme lors des RADI-RAF 2021, mais voici pour l’instant ce qui en ressort.
Créé par AnimFrance (ex SPFA), le syndicat des producteurs de films d’animation, avec le RECA et Magelis, la structure se donne trois missions :
- « donner de la visibilité à tous les jeunes talents formés par les écoles du RECA »
- « rendre plus visibles les opportunités de stages, d’alternances et d’emplois du secteur »
- « favoriser l’accès des étudiant.e.s au réseau professionnel de l’animation française »
Sur le premier point, on ne peut que déplorer que l’aide soit restreinte aux élèves issu·e·s des écoles du RECA. Ce dernier ne rassemble, pour rappel, que 26 écoles et 29 cursus, sur un total de 52 écoles françaises et 98 cursus (selon les chiffres collectés en 2021 par Les Intervalles). Les étudiant·e·s des cursus hors RECA sont pourtant probablement celleux qui auraient le plus besoin d’aide à l’insertion professionnelle, justement parce que leur écoles ne bénéficient pas de la même visibilité et du même réseau que celles du RECA.
Sur la deuxième mission, je peine à comprendre comment les annonces de stage, alternance et emplois seraient plus visibles qu’elles ne le sont sur les importants groupes facebook préexistants auxquels sont abonné·e·s beaucoup d’étudiant·e·s. Et autant on ne peut qu’espérer à termes pouvoir se passer de Facebook comme outil de promotion professionnelle et de recrutement, autant créer une énième plateforme me semble inadéquat, surtout si elle ne concerne qu’une partie des travailleur·euse·s du secteur.
Sur Écran Total, la déléguée générale du RECA précise qu’AnimConnect veut centraliser les offres. Mais l’initiative donne plutôt l’impression de séparer les étudiant·e·s et jeunes diplômé·e·s des autres travailleur·euse·s de l’animation. Nous avons déjà pléthores d’autres structures existantes en dehors de Facebook, notamment Bentow, récemment mis en ligne, Movinmotion, qui a succédé à Katoonk, et 3DVF qui propose même des offres internationales. Les entreprises prendront-elles la peine de s’inscrire et suivre une structure supplémentaire alors qu’il leur suffit d’un rapide post sur Facebook sans aucun encadrement pour récolter une cinquantaine de candidatures ? Les étudiant·e·s et jeunes diplômé·e·s se plieront fort probablement au jeu puisqu’iels ont la nécessité de trouver un stage ou alternance pour valider leur année. Les entreprises n’ont aucune plus value apportée par ce type de plateforme.
Enfin, la troisième mission n’est pas suffisamment précise pour que l’on puisse déterminer de quoi il s’agit ? Du mentoring, des pots networking ? Un serveur discord ? Il n’y a pas en France UN réseau professionnel (sinon on aurait pas besoin d’une énième plateforme), mais du bouche à oreilles et du réseautage multiple, sous quantités de formes différentes et officieuses.
Par ailleurs, la difficulté à trouver un stage depuis le début de la pandémie ne découle pas d’une absence de plateforme dédiée mais de l’impossibilité pour les studios de prendre en charge des stagiaires alors que tout le monde travaillait (et travaille encore partiellement) à distance. Les problèmes pour trouver un stage sont également antérieurs à la pandémie, puisque de plus en plus d’écoles et de cursus font leur apparition depuis une décennie, amenant tant de nouvelleaux travailleur·euse·s sur le marché que les studios ne sont pas décemment en mesure de tous et toutes les absorber. Les écoles ne font quant à elles que peu de veille sur la qualité et validité des stages proposés à leurs élèves, tant qu’ils sont reconnus comme partie intégrante de l’insertion professionnelle. Quant aux jeunes diplômé·e·s et élèves, iels connaissent rarement leur Droit du Travail et sont souvent trop content·e·s de pouvoir s’insérer professionnellement pour réagir. On ne peut pas vraiment ici les blâmer.
Un·e stagiaire ou alternant·e doit être encadré·e par un·e référent·e et nos délais et budgets de production ne nous permettent pas toujours de permettre ce temps d’encadrement nécessaire. Les annonces abusives sont ainsi malheureusement récurrentes, où l’on attend d’un·e stagiaire qu’iel fasse le même travail qu’un·e salarié·e (quand les annonces n’y vont pas carrément en demandant quelqu’un d’autonome, qui saura faire preuve d’initiative et connait déjà quatre logiciels différents sur le bout des doigts). Et si l’expérience peut malgré tout être profitable à la personne en stage, cela n’en reste pas moins de l’emploi déguisé, qui tirent les emplois réels et leurs salaires vers le bas.
Enfin, le fait que cette initiative émane d’un syndicat patronal, sans que les premier·e·s concerné·e·s ne semblent avoir été intégré·e·s à son processus de création, ni plus d’ailleurs que les syndicats des travailleur·euse·s, posera pour le moins question quant à l’efficacité de la plateforme.
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