Dessin représentant une personne submergée par l’aspect chaotique des offres d’emploi, par Loup! Pour suivre son travail, rendez-vous sur Instagram et Twitter.
Dans le secteur de la production de films d’animation, il existe pléthore de sites et plateformes web sur lesquelles on trouve moult annonces d’emplois et de stages. Chacun fait un peu à sa sauce, notamment les studios qui publient sans qu’un réel contrôle de contenu ne soit exercé. Alors que ce secteur d’activité est en constante augmentation d’effectifs, si l’on s’en tient aux chiffres du CNC et aux nouvelles écoles qui ne cessent d’apparaître ces dernières années, il devient pourtant de plus en plus difficile d’y faire son trou. Pourquoi un tel paradoxe ?
Le marché du travail dans la production de films d’animation souffre d’un abandon du rôle de formation des studios, d’une désorganisation des solutions de recrutement et du manque d’adaptation des studios au travail à distance.
Métiers en tension
Côté métiers de la production, on a tendance à entendre ces dernières années que le milieu recrute énormément, que certains métiers sont “en tension” : c’est-à-dire qu’il y a un besoin prégnant pour des postes mais qu’on peine à trouver les profils adéquats. En parallèle, les jeunes travailleureuses, celleux qui n’ont pas encore un important réseau leur permettant de se passer des annonces de recrutement, peinent souvent à s’insérer dans le secteur.
En parcourant les annonces, on en trouve des récentes pour plusieurs entreprises, avec, dans bon nombre de cas, une demande pour des seniors ou des profils avec une expérience très spécifique. Or, avec la multiplication des écoles ces dernières années, les nouveaux métiers et logiciels utilisés ainsi que la précarité de nos métiers, les seniors disponibles sont de véritables perles rares. Et tout aussi rares sont les studios prêts à prendre le temps de les former à leur pipeline. Alors que les jeunes diplômé·es en recherche d’un premier emploi sont quant à elleux de plus en plus nombreuxses.
Dans une logique de compétitivité des studios, les budgets et les plannings de production imposent souvent d’être efficaces. Les ”quotas” journaliers de production, le style de production et la période d’adaptation (l’équivalent de la période d’essai), se réduisent souvent comme peau de chagrin. D’où un marché du travail en décalage, qui sont de plus complexifiés par les cases dans lesquelles sont souvent rangées les artistes-technicien·nes. Vous avez jusqu’ici fait surtout du pre-school ? Difficile de vous faire embaucher sur une série pré-ado. Vous avez une expérience plus importante sur de la série ? Vous risquez d’avoir plus de mal à trouver un emploi sur du long-métrage. Cela rentre dans la logique de l’adaptation en production : le portfolio et/ou bande-démo ne montrent pas suffisamment que l’on maîtrise différents genres et formats, et cela pénalise les artistes-technicien·nes auprès des studios lors du recrutement.
Il est malheureusement impossible de connaître le pourcentage de travailleureuses qui quittent le secteur. Notamment parce que les chiffres de l’insertion professionnelle en sortie d’école prennent en compte le stage de fin d’études, obligatoire pour valider son diplôme. Or celui-ci ne débouche pas forcément sur un premier emploi et il existe aussi des travailleureuses qui quittent le milieu au bout d’un ou deux ans à chercher un emploi sans succès, et se reconvertissent dans un secteur connexe (illustration, BD, tatouage, jeu vidéo, etc), voire retournent faire des études dans un secteur différent.
Recrutement à la bonne franquette
Si certains studios privilégient la mise en place d’une plateforme de recrutement interne, qui leur permet d’alimenter un annuaire d’artistes technicien·nes à recontacter d’une production à l’autre, d’autres studios relancent leur recrutement de zéro à chaque nouveau projet. Il est bon de rappeler que les personnes en charge du recrutement sont le plus souvent embauché·es sur une production spécifique, et n’ont pas nécessairement accès aux précédentes candidatures envoyées au studio. Lorsqu’il y a annonce de recrutement, il est fréquent qu’il y ait eu au préalable une phase de bouche à oreille et de copinage, où la personne chargée du recrutement va tenter de trouver une personne qui corresponde au poste directement sans annonce.
Ensuite, comme dans beaucoup d’autres secteurs professionnels en France, une fois l’annonce de recrutement lancée, il arrive que les recruteureuses ne répondent pas, ou au bout de plusieurs semaines, voire mois de retard, en s’attendant à ce que les candidat·es soient constamment disponibles. Certains studios demandent des tests (voir notre tuto), pour faire une présélection, mais il arrive qu’ils ne les regardent pas, et/ou qu’ils ne répondent plus par la suite. D’autres organisent des entretiens (de visu ou en visio), mais de même, cela n’implique pas nécessairement qu’ils répondent à posteriori. Il ne faut pas se formaliser, ça n’a rien de personnel, même si c’est particulièrement frustrant.
Il est également fréquent de voir les mêmes annonces réapparaître plusieurs fois sur les différentes plateformes car la première vague de candidatures ne correspond pas aux attentes du studio. Forcément, puisque les métiers sont en tension, que chaque studio recherche les artistes-technicien·nes les plus expérimenté·es et spécifiques à ses besoins. Il devient difficile de trouver chaussure à son pied en quelques jours.
Quant à la candidature spontanée, si elle peut parfois donner des résultats, l’adresse mail de contact des studios est souvent utilisée à tort et à travers. Ainsi, le profil se perd dans le lot.
Avec toutes ces données fluctuantes, le recrutement peut paraître bancal. Mais si les studios font leurs courses dans les profils d’artistes technicien·nes, rien n’empêche ces dernier·es de faire de même en récupérant les adresses mails des studios sur les annonces de recrutement. De même, autant prendre les devants et s’assurer d’avoir une vitrine en ligne facilement accessible (voir notre tuto).
Evolution de l’organisation du travail
Le secteur de la production de films d’animation est, comparativement à d’autres, assez jeune. La France produit certes des films animés depuis les années 1970, mais le boom du secteur date de la fin des années 2000 avec la relocalisation de plusieurs métiers, aidée par des avantages fiscaux. De manière concomitante, la révolution numérique a durablement changé les métiers du film d’animation.
En 2022, après deux ans de pandémie, le télétravail ne s’est pas pour autant imposé dans toutes les entreprises. Entre la volonté de rentabiliser des open spaces en location, le micromanagement attendu sur les équipes (qui fait montre d’une infantilisation de celles-ci par les producteur·ices plus qu’autre chose), et la difficulté technique pour certains studios de généraliser le télétravail, il est encore fréquent de voir des annonces de recrutement préciser qu’elles ne sont intéressées que par du “présentiel”.
L’argument du travail en présentiel peut s’entendre pour plusieurs raisons.
- Les travailleureuses ayant peu d’expérience en entreprise gagnent à être entouré·es de leurs collègues plus chevronné·es plutôt qu’à se retrouver seul·es devant leur ordinateur.
- Selon une étude de l’Union générale des ingénieurs, cadres et technicien·nes (Ugict), le télétravail favorise l’isolement social, provoquant anxiété et dépression, mais aussi douleurs physiques inhabituelles. Le télétravail exacerbe également les inégalités de genres, les femmes s’occupant davantage des tâches ménagères et des enfants.
- Les conditions de travail sont souvent peu optimales en télétravail, surtout pour les jeunes diplômé·es. Entre le manque d’espace et le manque d’ergonomie bureautique, le confort des travailleureuses en pâtit.
- Organiser le travail à distance d’une équipe de 10 à plus de 50 personnes demande une certaine souplesse et de la coordination. A la fois de la part du studio, qui doit pouvoir s’assurer que les questions d’informatique ne ralentissent pas la production, ce qui est bien moins évident quand on a pas tous les ordinateurs au même endroit. Mais aussi de la part des travailleureuses, qui doivent apprendre à gérer les questions informatiques associées au travail à distance (VPN, remote, FTP et autres Control Center).
- Le télétravail engendre des problématiques d’accessoires et d’atelier. Les accessoires comportent le matériel informatique et les logiciels, que les studios ne prêtent pas toujours et dont les travailleureuses ne disposent pas forcément chez elleux. On parle ici d’un ordinateur suffisamment puissant pour tenir une production, mais aussi des équipements informatiques périphériques comme la tablette graphique. Les frais d’atelier recouvrent le loyer, le chauffage, l’électricité et la connexion internet ; éléments indispensables pour effectuer son travail. La convention collective de la production de films d’animation comprend pourtant des dispositions obligatoires de participation de l’employeureuse aux frais d’atelier et d’accessoires liés au télétravail : 5 % de la rémunération brute ou 10 % si lea travailleureuse utilise son propre matériel informatique et ses logiciels.
- Le télétravail peut provoquer l’augmentation du temps et de la charge de travail. Le droit à la déconnexion est moins respecté puisque la majorité des employeureuses ne mettent pas en place de plages horaires de disponibilités.
Cependant, si de nombreux autres secteurs d’activités se sont mis au télétravail, c’est qu’il y a de nombreux avantages aussi bien pour l’employeur·euse que pour l’employé·e. Toujours selon l’Ugict, 83% des salarié·es ont bien vécu le télétravail pendant la pandémie et 98% souhaitent continuer à télétravailler. Les participant·es ont mentionné de nombreux avantages :
- La disparition du temps de trajet domicile/travail.
- Un meilleur équilibre entre vies personnelle et professionnelle.
- La souplesse des horaires de travail.
- Un environnement de travail plus calme. En effet, l’employé·e n’est plus soumis·e au stress de l’open space, mode d’organisation de l’espace de travail surreprésenté dans la production de films d’animation. Il est par ailleurs prouvé que le bruit ambiant de ces grands espaces nuit à la concentration, donc à la productivité.
- Les chercheur·euses ont effectivement constaté une augmentation de la productivité des entreprises qui privilégient le distanciel : elles occupent des locaux plus petits, donc moins chers, et les salarié·es ont tendance à convertir une partie du temps de trajet gagné en temps de travail.
Le télétravail pendant la pandémie a surtout montré qu’on pouvait vivre éloigné de son lieu de travail, surtout quand ce dernier est situé dans une ville où le coût de la vie n’est pas accessible à bon nombre de travailleureuses, débutant·es ou confirmé·es. De même, lorsqu’il s’agit d’un contrat court qui nécessiterait de déménager pour quelques semaines ou mois.
L’argument avancé par les studios des aides régionales conditionnées par la présence des salarié·es dans les locaux de ladite région s’avère a priori infondée. Cette condition est souvent une au choix parmi d’autres, comme le recours à un réalisateur de la région, elle n’est jamais une obligation absolue. Quand bien même elle le serait, elle n’exclut en rien le télétravail, tant que les salarié·es sont domiciliés dans la région de production.
Comme dans de nombreux autres secteurs où il peut y avoir du télétravail, il faudrait aujourd’hui revoir nos manières de travailler. Pour que le travail à distance comme le travail sur place soient possibles. Pour un équilibre entre avantages et inconvénients, les chercheureuses recommandent de privilégier un mode hybride : une partie en distanciel et une partie en présentiel, soit environ 2-3 jours de télétravail par semaine.
État des lieux des plateformes web et des réseaux sociaux de recrutement
Réseaux sociaux
L’enfer et le saint Graal du recrutement tout à la fois. Encore faut-il savoir exactement ce que l’on cherche et comment mettre la main dessus dans ce réseau social. Pour les travailleureuses, un profil Linkedin à jour avec lien vers leur portfolio et/ou bande-démo leur assure une plus grande visibilité, ne serait-ce que parce que les recruteureuses peuvent s’en servir comme d’un vivier géant où quelques mots clés leur permettront de dégoter de nouveaux profils.
Les entreprises postent beaucoup leurs annonces sur cette plateforme, mais c’est pour les artistes-technicien·nes un travail de fourmi que de suivre toutes les pages des studios d’animation et de s’assurer fréquemment des annonces postées dessus.
Ce réseau social peut également servir à alimenter son réseau professionnel mais c’est un peu comme Facebook : on se retrouve avec tellement de relations qu’on ne connaît en réalité pas ou peu, que ça perd de son intérêt initial.
L’ergonomie du réseau social, sous forme de timeline (suite de publications visibles de la plus récente à la plus ancienne) est un puits sans fond. Vous connaissez les pubs Facebook au ciblage douteux et les posts complotistes de tonton René, découvrez les pubs de startuper et les posts “inspirants” du monde du travail qui vous feront perdre foi en l’humanité.
En gros : un indispensable mais mieux vaut ne pas s’attarder trop longtemps dessus une fois son profil mis à jour et rempli. Pensez juste à activer le mail de notification pour les messages reçus sur le réseau social.
Je Bosse dans le Dessin Animé et le Jeu Vidéo
Ce groupe Facebook, créé en 2008 par l’artiste technicien Philippe Duchêne a grandement servi à la création d’une communauté d’entraide pour les travailleureuses du film d’animation et plus largement du VFX et du jeu vidéo. Le groupe sert à la fois aux annonces de recrutement, aux candidatures, recherches de stages et d’alternances, mais également aux reventes de matériel, aux demandes d’aides techniques, artistiques et administratives. C’est sur ce dernier point que le groupe est le plus actif, via sa communauté. L’administrateur se contente de son côté de relayer les nouvelles productions publiées sur Écran Total, de se féliciter du nombre d’adhérent·es au groupe et de faire le tri des personnes acceptées ou non dans celui-ci.
JBDA compte un grand nombre de membres, qui doivent préalablement montrer patte blanche à l’unique administrateur pour être intégré, par cooptation d’un·e membre du groupe. Pendant un temps, un nombre important d’annonces de recrutement passaient uniquement par ce groupe, le rendant indispensable aux travailleureuses. Autant dire qu’en être exclu·e pouvait jusqu’à récemment avoir un impact notable sur sa carrière.
La communauté JBDA, toujours grandissante, doit beaucoup à sa diversité : on y retrouve à la fois des personnes travaillant dans le film d’animation, mais aussi le jeu vidéo, les effets visuels, la prise de vue réelle et la bande dessinée. Le groupe comprend autant des étudiant·es que des freelances et salarié·es, atteignant près de 10 000 membres, plus que le nombre de travailleureuses actif·ves du secteur annoncé annuellement par Audiens et le CNC (autour de 7800 en 2020).
De nombreuses et récurrentes polémiques y ont eu lieu, notamment sur l’absence totale de modération des annonces abusives ou à des commentaires haineux et l’exclusion arbitraire de plusieurs membres. L’unique administrateur y a plusieurs fois répété que “toustes les membres sont modérateurices” sans pour autant déléguer les droits de modération ou faire une charte. Face à ce grave manque de gestion, de plus en plus de personnes ont commencé à migrer sur un autre groupe Facebook, plus apaisé : Boulot Anime.
Boulot Anime
Le groupe Facebook Boulot Anime a longtemps vécu dans l’ombre du groupe JBDA, avant de prendre récemment une place plus importante dans le secteur du film d’animation. Créé en 2013 par la réalisatrice et productrice Patricia Stroud, elle en est la seule administratrice et modératrice. Ses interventions sont très rares, ce qui permet au groupe d’avoir une parole plus libre.
En conséquence, le groupe a tendance à s’autoréguler face aux annonces abusives, au point où les personnes les ayant postées les retirent souvent d’elles-mêmes.
Fort de plus de 9000 membres, ce groupe est malgré tout un peu moins utilisé que JBDA et il est parfois nécessaire d’y relayer des annonces postées sur ce dernier. Et comme lui, Boulot Anime est dépendant de Facebook, de son flux de posts, de ses algorithmes et de sa pérennité. Or, de plus en plus de jeunes diplômé·es ne sont plus sur ce réseau social, considéré comme dépassé, voire tout simplement comme inadéquat pour chercher un emploi.
D’autres groupes Facebook, plus secondaires, existent également, comme Les Bons Plans de l’Anim 2D, Animation Angoulême, Animation studio jobs and freelance works, Animation Jobs mais ils ont tendance à servir un peu de fourre-tout et ne sont souvent pas circonscrits au secteur français.
Plateformes web
Jobotropo

Né durant l’été 2022 de l’agacement d’un travailleur face à notre dépendance à des groupes Facebook privés, la plateforme web Jobotropo se veut la plus accessible possible : pas de cookies affichés, pas d’inscription nécessaire, pas de pub, rien que des annonces de recrutement dans le secteur du film d’animation francophone.
Un simple nuage de tags permet de sélectionner les types d’emplois qui vous intéressent et de lister les annonces selon leur ancienneté. Pour celleux qui voudraient s’essayer à la candidature spontanée, une page listant les studios existants est aussi disponible sur le site. Ergonomiquement, c’est le plus abouti et minimaliste des plateformes web du secteur.
C’est aujourd’hui la seule plateforme web créée PAR des travailleureuses du film d’animation POUR les travailleureuses du film d’animation et ça se sent. Il est encore récent et peut être amené à évoluer, mais est ouvert aux retours et à l’amélioration.
Anim Connect

Ouverte en décembre 2021, un peu à la surprise générale, cette plateforme web a été conjointement créée par le RECA, AnimFrance (le plus gros syndicat de producteur·ices de films d’animation) et Magelis (un pôle de développement angoumoisin). Nous avions consacré un article à la sortie de celui-ci, supsicieuxses face à cette initiative montée par un syndicat patronal. Elle touche pour l’instant uniquement les étudiant·es et jeunes diplômé·es en recherche de stage et d’alternance, et les sépare ainsi du reste des travailleureuses du film d’animation.
La plateforme ne compte début août 2022 que 5 annonces issues de deux studios différents, dont certaines datent de plusieurs mois, sans précision aucune de disponibilité à jour, pour environ 80 profils d’étudiant·es en animation 2D, 3D, issu·es d’écoles publiques comme privées. Post-rentrée de septembre, on n’y trouve plus que 2 annonces de studios, les deux sont obsolètes, et une soixantaine de profils d’étudiant·es.
Il faut dire que la plupart du temps, les recruteur·euses n’ont même pas à poster d’annonce pour trouver des stagiaires tant les candidatures spontanées sont courantes tout au long de l’année. Les écoles du RECA ont aussi des liens avec certaines entreprises pour aider les élèves à trouver leur stage de fin d’étude.
Christine Mazereau, la déléguée générale du RECA, précise qu’en termes de promotion auprès des écoles et des élèves, “ l’information a été communiquée publiquement lors de divers évènements liés au secteur de l’animation (notamment les RADI/RAF à Angoulême […]), publiée dans la newsletter du RECA, dans le livret d’accueil annuel du RECA et sur les différents sites partenaires. Elle a bien évidemment [été] communiquée en interne à nos membres. Nos écoles étant indépendantes et autonomes, elles restent libres de la façon dont elles transmettent l’information à leurs étudiants.”
Faut-il réellement proposer une plateforme dédiée aux stages et alternances, au risque de désolidariser les étudiant·es des travailleureuses qu’iels tentent de rejoindre ?
Si un stage avait effectivement pour but de former les travailleureuses de demain pour les entreprises, une plateforme dédiée pourrait sembler intéressante. Mais encore faut-il s’assurer qu’il ne s’agit pas d’un emploi déguisé et bel et bien d’une opportunité d’apprendre dans un contexte professionnel. Or, dans la logique de compétitivité des studios, ce sous-prolétariat que sont les stagiaires permet de faire pression sur les employés. En attribuant au stagiaire des tâches professionnelles beaucoup moins “payées” qu’un·e employé·e.
Ainsi, la démarche de recherche de stage devrait incomber uniquement au stagiaire. Les écoles devraient assumer leur rôle de protection des étudiant·es stagiaires (la convention de stage est un contrat tripartite) ou alors supprimer l’obligation de faire un stage pour obtenir son diplôme.
AFJV

Même si cette plateforme web est clairement orientée vers le jeu vidéo, de par son nom “Agence Française pour le Jeu Vidéo”, il arrive que des emplois liés à la production de films animés y apparaissent de temps à autre. Plus un bug dans la matrice qu’autre chose, elle reste tout de même utile à celleux qui souhaitent osciller entre les deux secteurs, certains métiers le permettant. Le site, qui propose à la fois des annuaires, des actualités, des articles de fond et une section emploi dont CVthèque, propose par ailleurs une newsletter hebdomadaire où l’on peut choisir les postes qui nous intéressent et recevoir directement les annonces de recrutement sur sa boite mail. Elle compte actuellement près de 20 000 abonné·es.
On y trouve peu d’annonces de Contrat à durée déterminée d’usage (CDDU) (type de contrat qu’on retrouve rarement dans le jeu vidéo), mais un grand nombre de CDI, de CDD, de stages (souvent abusifs, attention à vous !), d’alternances et d’indépendants. Le site propose de filtrer selon le type de contrats, de métiers, de régions et de sociétés, ce qui permet de plus précisément cibler les postes.
Profilculture

De la même manière qu’AFJV, les annonces touchant au film d’animation sont plutôt rares sur cette plateforme web. Profilculture touche déjà peu de postes d’artistes-technicien·nes dans le spectacle enregistré en général, encore moins dans le film d’animation en particulier. Cette plateforme inclut par ailleurs des annonces venues de toutes les branches du secteur de la culture, de l’édition de livres au spectacle vivant en passant par l’architecture et le multimédia.
Il reste intéressant à suivre notamment pour les personnes en production ou en montage qui souhaiteraient s’essayer à la prise de vue réelle, mais attention, il comporte aussi des offres de stages abusifs, ce qui laisse à penser que la modération opérée sur la plateforme web est assez faible, si ce n’est inexistante.
3DVF

A l’origine magazine spécialisé dans l’imagerie numérique, allant du film d’animation au jeu vidéo en passant par l’impression 3D et l’image VR, 3DVF touche nombre de professionnel·les du secteur de par les sujets abordés dans leurs articles. Ils ont depuis la rentrée 2020 une plateforme web dédiée à l’emploi avec CVthèque et carte des studios de films d’animation français et internationaux.
Créée, selon leurs propos, pour l’ensemble du secteur créatif suite à la difficulté de trouver un emploi en tant que jeunes diplômé·es et pour faciliter les passerelles existantes entre jeu vidéo, animation, VFX etc., elle est gratuite pour les personnes en recherche de poste et était à l’origine payante pour les studios et écoles.
Les annonces restent 45 jours par défaut sur la plateforme à moins d’une demande préalable de désactivation par le studio. Donc soit les postes sont très vite pourvus, soit peu de studios postent pour l’instant sur leur site, car on trouve peu d’annonces disponibles sur ce dernier. Quant à la CVthèque, initiative bienvenue, elle doit faire face à la concurrence du copinage et du bouche à oreille, encore très présents dans notre milieu. 3DVF étant plutôt tourné vers un public de technicien·nes 3D, une partie de l’industrie a par ailleurs de grandes chances de passer à côté, ne serait-ce qu’à cause de son nom.
3DVF a pour volonté de renforcer la plateforme en France et la développer à l’international en parallèle du reste du site.
Bentow

Une plateforme web fondée en 2019 par le créateur de la chaîne Youtube Animashow, spécialisée dans les interviews de professionnel·les du film d’animation français. Elle a récemment fermé (début septembre 2022), sans que son créateur Sabry Otami ne précise pourquoi. Il reste néanmoins intéressant et utile, pour le futur de plateformes similaires, de décortiquer son fonctionnement.
Sur Bentow, contrairement à d’autres plateformes qui proposent un espace emploi et une CVthèque, on parlait d’espaces recruteur·euses et candidat·es, ou “talents” comme on les appelle dans le jargon. Dans ce dernier, on nous demandait de quelle école on est issu·e, signe d’un potentiel élitisme des recruteur·euses ?Niveau ergonomie, si une importante liste était mise à disposition, il n’était pas possible de préciser “Autre” ou d’inscrire une école qui n’était pas déjà listée. Il fallait également préciser le nom du diplôme et l’année d’obtention. Chose assez étonnante quand ce qui intéresse les recruteur·euses, c’est d’habitude plutôt l’expérience, les portfolios et les bande-démos. On trouvait de manière générale des redondances, oublis et choix incongrus dans la manière de renseigner ses informations professionnelles, malgré une plateforme qui était plutôt user friendly.
Magelis

Plateforme web spécifique à Angoulême, elle regroupe des annonces de studio d’animation locaux et est à destination des travailleureuses déjà sur place, notamment des ancien·nes élèves de l’EMCA et de l’Atelier avec qui Magelis travaille activement.
Contrairement à d’autres plateformes, celle-ci s’avère particulièrement minimaliste sans être pour autant la plus pratique qui soit : on n’y trouve aucun filtre pour faciliter les recherches si ce n’est les différents studios qui ont postés des annonces et on y trouve des annonces expirée, avec une prise de fonction datant d’il y a plusieurs mois. Comme aucune date de mise en ligne de l’annonce n’est disponible, les prises de fonction immédiates ont peu de sens.
Comme sur la plupart des sites, chaque studio est libre de formuler et préciser à l’envi son annonce. Certaines sont alors très succinctes alors que d’autres donnent de nombreux détails. Une séparation hasardeuse semble être faite entre CDD et CDDU.
La plateforme web propose également des fiches de studio, avec contacts, actualités et offres d’emploi liés à ces derniers, mais toutes les fiches ne se valent pas, certaines semblent avoir été écrites par une IA, avec des fiches de projets erronées. Mieux vaut aller directement faire un tour sur le site du studio d’animation qui vous intéresse pour en apprendre plus sur ce dernier.
Movinmotion

Zombie créé sur le cadavre de Katoonk en septembre 2020, Movinmotion ne s’adresse pas uniquement aux travailleureuses de l’animation mais contient une section qui leur est dédiée. L’ergonomie de cette plateforme web laisse cependant à désirer, les filtres ne fonctionnent pas systématiquement et il devient alors difficile de voir des offres spécifiques à la production de film d’animation. Il faut dire que la plateforme est encore aujourd’hui en phase de test, et sera probablement amenée à évoluer et résoudre certains de ses bugs. C’est une durée importante pour une plateforme qui travaille directement avec les intermittent·es et avait notamment sorti en 2021 un kit pratique de l’intermittence du spectacle.
Movinmotion se veut avant tout un soutien administratif des métiers de la culture et propose d’autres services d’aide aux employé·es et aux employeureuses. Il est par ailleurs lié à Audiens, un groupe de protection sociale français à but non lucratif, spécialisé dans le secteur de la culture, de la communication et des médias.
Il n’est cependant pas si connu dans notre secteur puisque Movinmotion appuie sa communication sur des clients et salariés déjà présents sur d’autres services de la plateforme pour se faire connaître (onglets sociaux et comptabilité). Les employeureuses ont plus de chance de connaître son existence que les employé·es mais vu que la plateforme web doit devenir à terme payante pour les entreprises, il est probable que le modèle ne décolle pas vu les alternatives gratuites existantes.
La plateforme web a pour ambition de devenir la référence du secteur culturel, pas uniquement pour le film d’animation. A suivre donc pour celleux qui veulent et peuvent, de par leur poste, osciller entre prise de vue réelle, film d’animation et/ou jeu vidéo.
Sites des studios de production
Autre cercle de l’enfer, certains studios ont leur propre page de recrutement et candidature sur laquelle ils postent leurs annonces, et parfois nulle part ailleurs. Il faut donc aller vérifier sur chacun de ces sites si de nouvelles annonces sont publiées. C’est surtout le cas pour les gros studios qui ont des postes RH dédiés, et qui ont des besoins constants de recrutement du fait du nombre de productions qu’ils ont en parallèle et de leur besoin de main d’œuvre.
La production de films d’animation est un secteur d’activité jeune et en expansion, il n’a eu ni le temps, ni l’envie d’optimiser le fonctionnement de son marché du travail. Les studios doivent prendre leurs responsabilités en formant les travailleureuses aux spécificités de chaque production, en harmonisant et rendant accessibles leurs solutions de recrutement et en s’adaptant aux nouvelles organisations du travail. Toutes ces problématiques doivent être résolues en concertation avec les partenaires sociaux, syndicat de travailleureuses, de patrons et les pouvoirs publics, malgré les intérêts divergents. Nous ne pouvons que vous inviter à prendre la parole sur ces sujets, notamment en vous exprimant auprès des syndicats de travailleureuses. (voir le tuto Velma de Troy).
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